métropolis : promenade

Publié le par dvb





L'homme sortit de la rame de métro. Alors que les travailleurs en retard se pressaient vers les sorties pour rejoindre leurs bureaux, lui resta un moment sur le quai déserté. Il admirait l'architecture moderne de la ligne intérieure. Ca faisait bien longtemps qu'il ne s'était retrouvé ici. Comme lui, la station avait un peu vieillie. Elle n'était plus aussi clinquante que dans ses souvenirs. Une vague de nostalgie s'apprêtait à l'envahir. Il fit refluer cette sensation au fonds de lui. Il y reviendrait plus tard. Pour l'heure il devait se concentrer sur son travail. Une fois qu'il en aurait fini, il pourrait se laisser aller autant qu'il voudrait. Il en aurait sans doute bien besoin d'ailleurs.

Il leva les yeux vers les panneaux lumineux. « Quartier international ». il était resté sans bouger bien trop longtemps. Un homme qui rêvasse seul dans une station de métro presque vide ça se repère assez facilement. Il commença donc à marcher. D'un pas rapide. Les gens marchent toujours vite en ce lieu et en cette heure.

Il longea la longue galerie voûtée. Les néons se reflétaient sur le verre de ses lunettes à mesure qu'il avançait. Il franchit le portique mécanique et se trouva dans la partie commerciale de la station. Il ne prêta aucune attention aux vitrines de vêtements chics. Il dépassa un employé de la propreté qui discutait avec le gérant du bar. Etonnant. Voir ce grand noir appuyé contre son balais rigoler de bon coeur avec ce méditerranéen rondouillard et moustachu lui rappela que le brassage ethnique était une valeur toute relative. Ici plus qu'ailleurs les nations vivaient et se rencontraient, parfois se mélangeaient, mais jamais ne perdaient leurs identités profondes.

Lui venait d'ici, et d'ailleurs. Metropolis. Il y était né. Il y avait passé pas mal de temps étant plus jeune, mais jamais assez pour se considérer comme un citoyen de la Ville du Milieu.

Il tourna la tête rapidement pour voir l'intérieur du bar. Il était comme tous les autres. Un long comptoir en marbre avec sa barre en laiton en face des hauts tabourets. Bien qu'il ne vit pas distinctement le reste, il s'aida de son vécu pour ressentir le lieu. Il y avait sans doute les petites corbeilles de métal blanc qui accueillait les doses de sucre, les récipient à lait, pour coupé le café. Et puis quelque part entre la caisse enregistreuse et le présentoir à journaux, l'homme pouvait sentir le parfum des viennoiseries à l'abricot. Le souvenir des petites perles de sucre les entourant lui revint. En un instant il se revit gamin. Accoudé au comptoir sirotant le « cappucio » tandis qu'un groupe d'ancêtres dégarnis et édentés riait fort à la table qui leur était réservée, la « gazetta » rose occupant une chaise près d'eux, éternelle invitée à ses réunions d'anciens travailleurs toujours souriants. Ils passaient leurs journées à jouer au sette bello. L'homme se souvint qu'il se débrouillait lui même plutôt bien à ce jeu.. pour un étranger.

Le souvenir s'évanouit pour laisser place à l'escalator menant à la surface.


Du sous-sol qu'il s'apprêtait à quitter il vit le ciel. Ou plutôt « l'absence » de ciel. Dans ce rectangle gris d'où soufflait une brise étonnamment tiède, il commença à voir se dessiner le toit de la cité. C'était un moment qu'il avait toujours apprécié. En cet instant, où le laissant porter par les marches automatiques, il redécouvrait le coeur du quartier international. Lentement, il quitait les souterrains pour émerger aux pieds des tours de verres.

La force de cette ville était qu'elle offrait des paysages radicalement différents d'une station à l'autre. Il avait quitté une ville autrichienne du XVIII dix minutes auparavant, pour se retrouver dans un monde futuriste. Trois cent ans en à peine quatre kilomètres.

Il s'étonna à nouveau de l'absence de foule. Il vérifia l'heure affichée par une immense horloge électronique sur la façade proche de ce qui lui apparut comme la succursale d'une banque suisse. La date et leur défilèrent, sitôt suivis par les cours du Nikkei.

L'homme poursuivit sa route. A partir de cet instant, où il avait fait ses premiers sur l'esplanade centrale du quartier des affaires, il referma son esprit. Il n'y avait dès lors plus en lui que le traitement froid des informations. Un horraire, une carte mentale des lieux, et puis un objectif. Il avait tout assimilé il y a de cela plusieurs jours.

Il y a trois jours, à plus de mille cinq cent kilomètres de là, son superviseur lui avait tendu un fax. Ca venait de très haut. Du Très Haut même... Son superviseur ne le savait pas, mais il connaissait personnellement Leur Chef à tous. Mais ça bien sûr, c'était son plus grand secret.

Le Chef avait besoin de lui en particulier. Ce qui signifiait que sa mission devait toucher à Ses intérêts personnels. Il en avait toujours été ainsi jusqu'à présent.

D'habitude il se contentait de gérer les affaires courantes des missions de types Atropos pour sa région. Parfois il allait sur le terrain rencontrer les clients et présenter les rapports lui même. Il se présentait alors sous le nom de « Clotho ». C'était la procédure initiale. Celle que le Chef avait mis en place il y a des années de ça, et qui avait toujours marché jusque là.

Mais cette fois-ci, il avait le droit à un billet d'avion en classe affaire et d'un d'hotel quatre étoile. Son superviseur ne parut pas étonné plus que ça. Quand il le briefa il se souvint qu'il était né à Metropolis, qu'il y avait même un peu vécu, et surtout qu'il parlait la langue. Il semblait donc tout particulièrement désigné pour ce contrat.

Il examina le fax. Pris quelques notes et fit des recherches sur internet. Il reçu par mail les détails du contrat. Ce jour là il parti plus tôt du bureau. Il aimait prendre son temps les heures précédents ses voyages d'affaires.


C'est ainsi qu'il se retrouva à déambuler dans les rues de l'immense ville. Ses souvenirs, ceux de sa jeunesse comme ceux de sa fiche de missions, lui permirent de se rendre au point de rendez-vous. Il n'avait que cinq minutes d'avance sur l'horaire. C'était très juste. Un jour il raterait un travail juste pour avoir perdu trop de temps dans l'approche. Il avait toujours eu tendance à sous-estimer le parcours. Heureusement pour lui, il marchait très vite et savait se repérer facilement, même dans les villes étrangères. C'était inné chez lui, ce sens de l'orientation surhumain, comme un atavisme presque animal. Il savait où aller. Il ne se perdait jamais. Ce qui en faisait un excellent guide, et une cible très difficile à suivre. Ca lui avait sauvé la mise bien des fois.

Il vérifia sa montre. « Eccoci qua » pensa-t-il froidement. Il sorti l'arme. C'était un objet particulièrement bien travaillé. Il utilisait des munitions standards de neuf millimètres. Celles-ci étaient toujours livrées sur place. Elles ne traversaient pas les frontières. Contrairement à l'arme en elle même. Entièrement démontable et presque entièrement faite en plastique. Les parties repérables, notamment le canon, étaient détruites à chaque fois. C'était bien évidement la méthode la plus rarement employée dans son boulot. La discrétion et la dissimulation étaient maîtres mots. Mais quand le temps pressait, l'assassinat direct était encore le plus simple. Un crime crapuleux intelligemment simulé marchait presque tout le temps. Mais dans ce cas, on confiait la mission à des gens comme lui. C'était un « crochet » fait au règlement habituel, mais l'intervention de professionnels s'avérait parfois nécessaire.

Sa télécommande émis un tintement. La cible était donc en marche. Le prochain tintement, annoncerait son arrivée immédiate.

Il vérifia à nouveau que la ruelle était vide. A cette heure-ci personne ne passait par là. Il s'agissait d'un passage étroit entre deux tours d'un même centre d'affaire. Plus haut, à plusieurs dizaine de mètre au dessus de lui, il y avait des passerelles permettant la communication entre les deux immeubles. Il était juste en dessous : personne ne le verrait d'au-dessus. Il se posta contre l'un des murs. À côté de la sortie de secours. Quand celle-ci s'ouvrirait, il serait donc caché derrière. Il jeta un coup d'oeil à la jardinière remplie de sable qui servait de cendrier collectif. Lui laisserait-il le temps de fumer sa dernière cigarette ? Il y pensa brièvement en concluant qu'il valait mieux ne pas perdre de temps. D'autres personnes pourraient avoir l'idée de les rejoindre en les voyant se diriger vers l'espace réservé aux fumeurs. Autant éviter d'accroitre inutilement le nombre de témoins.

Second tintement. Il raffermit la pression sur son arme. Releva son écharpe sur son nez et se plaqua contre le mur. Il entendit deux voix lorsque la porte s'ouvrit. Il attendit un instant que la cible poussa suffisamment la porte. Il fit un pas derrière elle et braqua son arme dans la direction de la femme blonde. Elle parlait de cette belle voix rauque qu'ont parfois les italiennes. Ses cheveux ambrés étaient soyeux. L'extrémité profilée du silencieux n'était qu'à une dizaine de centimètres de sa nuque. Elle agita la main pour éteindre son allumette. L'homme qui se tenait en face d'elle n'eut pas un regard pour le tireur, ce qui en faisait également un excellent professionnel. Il finit de lui raconter une anecdote amusante à propos d'une collègue de bureau. Elle rit de bon coeur en lançant son allumette. Elle porta la cigarette à ses lèvres. L'homme derrière elle tira.

Celui qui servait de témoin avait été éclaboussé. Il avait beaucoup de sang sur la chemise et sur le visage. Il se contenta de dire « Bravo, sono Clotho. Bisogno sparare nel muro dall altra parte ». L'assassin, tira donc dans le mur en face pour laisser un impact. Il avait été convenu que le Clotho servirait de témoin. Il dirait qu'il était descendu fumer avec la femme, que quelqu'un attendait patiemment que des hommes d'affaires viennent se détendre pour les dépouiller. Mais sans doute le tueur avait-il était trop empressé; il avait tué la jeune femme, et Clotho aurait eu ce réflexe salvateur de pousser la porte contre le bras de l'assassin. Celui-ci aurait tiré par réflexe. Puis ayant pris peur s'en serait enfui.

Les deux hommes prirent le temps de vérifier que la cible était bien morte. Puis ils se saluèrent. Clotho se mettrait à crier d'ici une minute. Lui aurait déjà eu le temps de partir. Il serait sans doute déjà retourné dans la station métro.

En s'éloignant de l'objectif. Tout en marchant dans l'allée, il rangea rapidement les éléments de son pistolet, les séparant dans chacune de ses poches. Il rabaissa son écharpe en retrouvant l'esplanade.

Il respirait profondément. Dans ses moments il évitait de penser. S'était très mauvais de gamberger juste après un homicide. Il décéléra volontairement le pas. Toujours discret, ne pas attirer l'attention, se fondre dans le paysage. Il se dirigea sciemment vers un groupe d'enfants qui visitaient le quartier avec leur professeur. Il longea ensuite les vitrines avant de redescendre par la bouche de métro d'où il avait émergé à peine dix minutes avant.

En repassant devant le bar, il se souvint plus exactement de cet après-midi là, lorsque enfant et sirotant ce cappucino délicatement sucré, il avait observé le groupe de vieillards jouant aux cartes. Il se souvint pourquoi il s'était retourné vers eux. La patronne du bar venait de leur annoncer le tirage au sort de la coupe : l'Inter et le Milan allaient se rencontrer en derby. Il se souvint qu'il y avait eu beaucoup d'émotion à ce moment. Il se souvint avoir rejoint le groupe de vieux et la patronne vers l'écran de télévision pour écouter les premiers commentaires.

Tous souriaient, et s'amusaient. On le taquina même un peu pour savoir pour quelle équipe il ferait « il tifo ».

Publié dans le projet NM6

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A
Bonne histoire, bonnes descriptions y a du potentiel ^^<br /> Un petit problème de pronoms non clairs par contre dans le paragraphe où la femme est en bas avec les 2 hommes, on ne sait pas trop qui est désigné et la compréhension est assez interprétative.
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D
<br /> Je vais tenter d'y remédier dans ce cas.<br /> <br /> <br /> <br />
L
ohhhhh y a l'oeuvre de la star loool<br /> con j'en ai chié au début mais à la fin ça venait tout seul =P<br /> bref je suis contente que ça te plaise<br /> si t'as le temps t'auras qu'à me faire un résumé rapide de ce que tu voudrais par montage (en sachant que pour le moment je peux m'occuper de ton avatar (ta bannière avec éventuellement), millionnaire de rien, ça n'est pas ma mère et pourquoi pas ta prise de contact avec le blog (trop drôle cet article lol))<br /> je laisse les feuilletons jalousie de côté pour le moment parce que. . . y en a trop mdr !
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D
<br /> Merci pour ton aide ^^<br /> <br /> <br />
L
histoire très intéressante aussi<br /> bon je suis pas sure d'avoir compris certains passages en revanche (suis pas très littéraire mdr)<br /> mais j'aime bcp les flashbacks dans ce récit
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